Unité de formation et de recherche en sciences juridiques et politiques (UFR/SJP), droit. Fin février 2012, les résultats de la seconde session (session de rattrapage) sont annoncés successivement : 1ère année, 2ème année, 3ème et 4ème année. « Comme d’habitude, les résultats sont mauvais », notent des étudiants à la délibération au niveau de chacune des promotions. Le « cauchemar » de cette session semble avoir battu record au niveau de la 4ème année. L’actualité de la 4ème année cache les autres résultats. Sur les notes récoltées, la matière d’un des « célèbres » enseignants de l’UFR/SJP, Pierre Meyer (Droit international privé) tient la tête avec 600 zéros.
« Est-ce l’enseignant qui est trop fort ou ce sont les étudiants qui sont très faibles ? », a-t-on envie de se demander avec cet artiste burkinabè. Indignation ! C’est à ne rien comprendre. Même le directeur de l’UFR, sans juger, semble être importuné par « cette affaire » (confère page 2 du journal L’Eveil Education dans son numéro 197 du 05 au 19 mars 2012). « A l’Université, les bonnes notes sont l’exception, les notes minables étant devenues la règle », confie un candidat ajourné à la maîtrise. Où se situe donc ce casse-tête ?
Mardi 6 mars 2012, de 10 heures à 13 heures, le Pr. Luc Marius Ibriga a cours avec ses étudiants de la 4ème année au Pavillon F. Comme tout enseignant (du moins la plupart) et en bon père de famille, le Pr. Ibriga, avant d’entrer dans le vif du sujet, consacre une partie du temps, en ce premier contact, pour prodiguer des conseils de toutes natures. Dans ce pavillon riche d’environ un millier d’étudiants, c’est le silence et tous ont les yeux et les oreilles fixés et tendus sur celui-là qui les tient en Droit communautaire. Sans nul doute, il est l’un des professeurs les mieux appréciés : maîtrise de ses matières, pédagogie, proximité avec les étudiants, simplicité, ses conseils etc. (il dispense le cours de l’Introduction à l’étude du droit , IED, en 1ère année).
Mais, en "Fac", son nom suffit aussi à vous faire comprendre qu’il est de ces enseignants dans les matières desquelles les bonnes notes sont rares comme les béliers à testicule unique. En cette fin de matinée, les étudiants avaient le loisir de poser toutes leurs préoccupations. A la préoccupation d’intervenants sur la "cherté" dans les corrections chez certains enseignants, le constitutionnaliste ne fait pas la langue de bois. « Sur la question qu’on note cher, ce sont des histoires. On ne doit pas tirer les gens vers le bas, la médiocrité. Ce serait dévaloriser notre diplôme. Je ne vais pas amener les étudiants dans la médiocrité et la complaisance. Ce serait les flatter et compromettre leur avenir. Je ne vais pas faire plaisir aux étudiants, ce serait de la démagogie (parce c’est faire semblant de les aimer) et du populisme (parce qu’on veut plaire). Je ne tire aucun plaisir avec les mauvaises notes ».
Tout en évoquant les conditions de vie et d’études difficiles des étudiants, le Pr. Ibriga fait remarquer qu’ « On ne peut pas former des cadres en comptant sur leurs conditions de vie ». Puis, il préconise : « Il faut résoudre un certain nombre de questions, notamment celles liées aux infrastructures sinon, on aura de plus en plus des lacunes plus grandes ». Qu’à cela ne tienne, le Pr. Ibriga se veut ferme dans sa vision de formation car, estime-t-il, le monde est de plus en plus ouvert et il faut se préparer à voyager, c’est-à-dire à vendre son savoir sur le marché de l’emploi international. « Et pour cela, il faut avoir des compétences certaines. Toute chose qui suppose une formation à la taille des défis. Le monde de l’emploi actuel est celui de l’excellence.
Quand un étudiant burkinabè postule à un poste international, il n’est pas traité différemment des autres candidats tenant compte de ses conditions de vie ». Il déplore le fait que les TD (Travaux dirigés) soient devenus des séances de cours du fait du nombre, les déviant de leur vocation classique. Au lieu de 25 étudiants par exemple, des groupes se retrouvent avec un nombre de 70 à 80 étudiants. Tout comme, regrette-t-il, la suppression de l’oral avec pour justification d’éviter les NST (Notes sexuellement transmissibles). Pourtant, souligne-t-il, de nos jours, plusieurs tests de recrutement sont assortis d’oral. Exhortant ses étudiants à observer la rigueur dans leur travail, il a affirmé que « Le résultat attendu c’est de former de bons juristes. Un magistrat qui n’a pas de raisonnement juridique est un danger pour sa société ».
C’est pourquoi invite-t-il : « Amenons notre université à ne pas être parmi celles dont on doute de la qualité de la formation ». Un cri du cœur que nous dirigeons vers les autorités afin qu’elles prennent à bras-le-corps la question des universités publiques en y investissant. Ce serait rendre service à tous les acteurs de ces "temples" du savoir, notamment aux responsables (directeurs) et autre personnel administratif des UFR qui doivent se défoncer au quotidien pour répondre à l’impossible.
Kader PALENFO/Le Progrès