L\'atmosphère à l\'Université de Ouagadougou

La version du président de l'UO

Une demande de marche suivie de sit-in formulée par les corporations ANEB de l'Unité de formation et de recherche en sciences exactes et appliquées (SEA) et de celle des sciences de la vie et de la terre (SVT) sur la présidence de l'Université de Ouagadougou pour revendiquer la satisfaction de leurs plates-formes ne reçoit pas l'avis favorable des autorités universitaires...

Malgré tout, la manifestation est maintenue. Le premier responsable du "Temple du savoir", le Pr Jean Coulidiaty, fait donc appel à la gendarmerie pour s'opposer aux manifestants. Conséquence : le mardi 17 juin 2008, jour prévu pour la manif., l'Université de Ouagadougou est le théâtre d'un affrontement violent entre forces de l'ordre et étudiants. Le bilan, selon le président de l'UO, est de 14 blessés côté gendarmes, d'une dizaine chez les croquants et de 62 interpellés.

Hier, la présidence de l'UO a d'ailleurs donné à cet effet une conférence de presse pour livrer sa version des faits, les solutions envisagées pour sauver l'année académique et enfin faire l'état des préparatifs du Bac 2008, qui débute demain sur toute l'étendue du territoire national. Vous lirez également, en encadré, la déclaration conjointe de l'Union générale des étudiants du Burkina (UGEB) et de l'Association nationale des étudiants du Burkina (ANEB).

L'Université de Ouagadougou était calme hier matin. De nombreux étudiants avaient sans doute préféré rester chez eux par mesure de précaution après le traumatisme vécu la veille avec les forces de l'ordre, qui ont poursuivi nombre d'entre eux jusque dans les quartiers environnants. Certains de ceux qui y étaient devisaient par petits groupes, juchés sur leurs engins ou assis sur les bancs des jardins. D'autres, aux environs de 10 h, étaient déjà dans les rangs du restaurant universitaire pour le déjeuner.

Les barricades avaient été levées et la circulation était fluide. Toutefois, l'aire universitaire présentait toujours le visage d'un champ de bataille avec les projectiles utilisés par les "grands élèves de Zogona" pour se défendre contre les hommes en treillis, qui étaient toujours stationnés, notamment autour de la présidence de l'Université, la cible principale des manifestants de la veille.

C'est dans cette atmosphère quelque peu revenue à la normale que le président de l'Université de Ouagadougou, le Pr Jean Coulidiaty, entouré de ses plus proches collaborateurs, a tenu sa conférence de presse sur la situation.

3 000 dérogations accordées

D'entrée de jeu, il a donné des détails sur les revendications des étudiants, résumées en trois volets :

- premier volet : les infrastructures, en l'occurrence la construction d'amphithéâtres, de laboratoires et de bibliothèques ;

- deuxième volet : le social, à savoir l'octroi de bourses aux étudiants du 3e cycle ;

- troisième volet : la mise en place d'une instance de prise de décisions consensuelles portant sur les conditions d'octroi des dérogations. Point par point, le président de l'Université donnera des réponses, lesquelles, du reste, ont été "communiquées aux étudiants qui les ont jugées imprécises".

Pr Jean Coulidiaty : "Chaque année, au regard de l'inadéquation entre les infrastructures et le nombre des étudiants, des salles de cours sont construites. Nous avons ciblé des priorités et nous prévoyons la construction d'amphithéâtres, qui auront une capacité d'accueil respectivement de 500, de 800 et de 1 200 places. Toutes les études ont déjà été réalisées et le budget, qui s'élève à 950 millions de F CFA, est presque acquis.

Un bâtiment R+2 est également prévu pour servir de laboratoires. Nous en avons informé les représentants des syndicats estudiantins, mais ils ont exigé que nous leur indiquions le lieu d'implantation, le début des travaux et la date effective de leur fonctionnalité, chose que nous ne pouvons faire.

Sur le plan social, nous leur avons indiqué que les bourses sont gérées par le CIOSPB, les prêts et les aides d'études, par le FONER. Une étude menée a permis de savoir qu'il y a 1830 étudiants qui sont au moins en 5e année ; 750 sont des doctorants, parmi lesquels des boursiers, des non-boursiers et des salariés. Ces données permettent au gouvernement de réfléchir à des mesures à prendre.

Nous avons également accepté que des étudiants en thèses enseignent à temps plein pour pallier le manque d'enseignants. Sur la question des dérogations, il y a des textes. Certains étudiants font 5 ou 7 fois la 2e ou la 3e année et veulent toujours qu'on accorde leur demande de dérogation.

C'est, en réalité, de l'acharnement académique. Quand on ne réussit pas dans une filière, on peut s'orienter dans une autre. Toutefois, dans l'esprit de l'apaisement du climat social, l'on a revu les conditions d'octroi de la dérogation. En sciences de la santé, par exemple, il faut une moyenne de 9/20 et dans les autres unités de formation et de recherche, on exige 7/20. A la date du mardi 17 juin 2008, plus de 3 000 dérogations ont été accordées...".

"La gendarmerie dit n'avoir utilisé que du gaz lacrymogène"

Pour montrer sa disponibilité au dialogue, le Pr Jean Coulidiaty a poursuivi son développement en indiquant que toutes les réunions avec les syndicats estudiantins sont de son initiative. "Chaque fois qu'ils m'envoient une correspondance, je cherche à les rencontrer. Leurs responsables ont mon numéro de téléphone et m'appellent souvent à propos de certaines questions".

En ce qui concerne les affrontements du mardi 17 juin, le président de l'UO soutient que les corporations ANEB des UFR/SEA et UFR/SVT ont demandé l'autorisation d'organiser une marche suivie de sit-in dans l'enceinte de la présidence, laquelle n'a pas reçu d'avis favorable.

"L'objectif étant de me remettre une déclaration, il y a d'autres voies prévues à cet effet", ajouta-t-il. "Malgré ce refus de laisser tenir la manifestation, les étudiants sont sortis avec des cailloux pour marcher". Quant à la présence des éléments du Régiment de sécurité présidentielle sur le campus, le Pr Jean Coulidiaty dit ne pas en être informé. "Je n'ai fait appel qu'à la gendarmerie, qui, débordée à un moment, a demandé du renfort à la police".

Et les tirs de balles réelles ? "J'ai lu cette information dans la presse. Je me suis adressé à ce sujet à la gendarmerie, qui m'a signifié que ses hommes n'ont pas fait usage d'arme. Ils n'ont utilisé que du gaz lacrymogène".

Et le calendrier académique subit une modification

Dans tous les cas, il y a eu un blessé par balle parmi les étudiants victimes de la répression. Le Pr Coulidiaty a souligné, au passage, que tous ces blessés seraient pris en charge, sans exception, et que les frais médicaux ont déjà été évalués. Il ressort d'un bilan, établi par la présidence de l'UO, que 62 personnes ont été interpellées dont 11 soudeurs et mécaniciens ; 14 gendarmes sont à l'infirmerie.

Naturellement, la folle journée du 17 juin va perturber le calendrier académique, qui fixait la fin des activités au 28 juin : ainsi, le Conseil de formation et de la vie universitaire s'est vite réunie et a repoussé la date de la fin de l'année au 14 juillet pour les UFR qui sont avancées dans les programmes et peuvent faire des évaluations.

Quant aux étudiants des filières des sciences de la santé (SDS) et des sciences juridiques et politiques (SJP), ils poursuivront les cours mais leur session de juin se tiendra en septembre prochain.

Le Bac 2008 débute demain vendredi 20 juin 2008. A l'occasion, les animateurs du point de presse ont fait le point des préparatifs : un budget de plus d'un milliard (1 641 110 595 F CFA) est prévu pour l'organisation ; 36 017 candidats sont inscrits, répartis dans 65 centres d'examen au lieu de 63 contrairement à l'année précédente. En dehors des difficultés persistantes telles que l'insuffisance de correcteurs et la question de l'organisation des épreuves pratiques des séries E, F1, F2 et F3, tout semble se dérouler normalement.



19/06/2008
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