L\'atmosphère à l\'Université de Ouagadougou

Koudougou : Journée tumultueuse après la mort d’un élève

Hier mardi 22 février, Koudougou a été le théâtre d’affrontements entre les élèves, les étudiants et les agents des forces de sécurité. Manifestant leur colère sous le motif qu’un de leurs camarades a été tabassé à mort par des policiers pour une histoire de copinage avec une fille, les scolaires ont rencontré sur leur chemin des éléments des forces de l’ordre qui n’ont pas fait d’économie de leurs gaz lacrymogènes. Bilan : beaucoup de blessés, tant du côté des élèves que de celui des agents de sécurité.

Koudougou s’est endormie le lundi sur la rumeur qu’un élève, Justin L. Zongo du collège privé le Guesta Kaboré en classe de 3e, serait mort dans la nuit du samedi 19 au dimanche 20 février à 2h du matin, par suite de bastonnades qu’il aurait subie de la part de policiers. La même rumeur avançait que cette histoire serait liée à une relation qu’un flic entretiendrait avec une fille, Aminata Zongo, qui est dans la même classe que le regretté et avec qui elle a eu une altercation.

Les milieux scolaires ont fait cas de marche que les élèves projetaient d’organiser le lendemain mardi afin d’exprimer leur mécontentement. Et de marche il a été effectivement question, car, hier, très tôt, les élèves ont vidé les classes, se sont rassemblés et ont convergé vers la Direction régionale de la police nationale. C’est à cette étape que les choses ont mal tourné et la course-poursuite a débuté.

Selon le directeur régional de la Police nationale du Centre-Ouest, Alfred Bancé, les agents ont usé de gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants et protéger les bâtiments et les infrastructures publics. Lacrymogène à profusion, jets de cailloux en riposte, barricades et incendies sur les voies, toute la matinée, l’après-midi et la soirée n’ont été que désordre au centre-ville et dans certains quartiers. Les petits commerçants et des individus qui n’ont rien d’élève ni d’étudiant se sont joints au mouvement compliquant la tâche des policiers, des CRS et des gendarmes rappelés en renforts.

Tous les commerces ont été fermés et la zone commerciale s’est vidée de ses occupants. La traque a fait beaucoup de blessés du côté des agents de sécurité et dans les rangs des élèves, des étudiants et de certains petits commerçants. Certains de ces derniers ont été des victimes collatérales, car touchés alors qu’ils étaient devant leurs boutiques ou hangars. Il faut dire que quand les étudiants ont rallié le mouvement pour soutenir ‘’nos jeunes frères’’ selon eux, la manifestation a pris de l’ampleur et les éléments des forces de l’ordre ont semblé, par moments, être débordés.

Les sapeurs-pompiers n’ont pas chômé qui ont fait la navette entre l’hôpital et le centre-ville pour évacuer les blessés : près d’une dizaine a été emmenée au service des urgences chirurgicales. Nous y avions trouvé des jeunes, gémissant, avec de profondes blessures au torse, aux membres, à la tête. Un élève a même été grièvement touché à l’œil et il est à craindre qu’il n’en perde l’usage. A côté de ces cas, ceux qui ont été appréhendés par la police puis relâchés devant nous font office de chanceux.

Intox ou cruelle vérité ?

Nous avons dû suivre le mouvement un peu partout en ville, mais dans ce cafouillage, difficile d’avoir les délégués des élèves. Beaucoup des croquants que nous avons interrogés ont expliqué que les délégués les ont informés qu’un policier a tué un des leurs et qu’il fallait sortir pour marcher. La question qu’on se pose est de savoir si cette affaire est le fruit d’une banale rumeur comme Koudougou sait en fabriquer, si les élèves ont été intoxiqués et ont eu une version tronquée de l’affaire, ou si vraiment une histoire de libido a coûté la vie au pauvre Justin Zongo. Après nous avoir reçus, le directeur régional de la Police nationale nous a autorisé à échanger avec les frondeurs arrêtés, composés aussi bien de garçons que de filles. Selon Rihanata Semdé, ‘’nous sommes sortis marcher dire notre mécontentement, et la police s’est jetée sur nous en lançant des gaz. Nous sommes en colère, car un élève est mort’’.

Cependant, Rihanata, sur les raisons du décès de l’élève, a avancé qu’on aurait dit qu’il a été victime de bastonnade. ‘’Je n’ai pas de confirmations, mais des camarades en ont été témoins. Ils ont dit que c’est une fille qui en est à l’origine’’. Pour Salifou Badiel, c’est leur délégué qui leur aurait demandé de marcher pour protester contre les bastonnades administrées par des policiers et qui ont entraîné la mort d’un élève. Il a précisé que c’est le mardi matin que l’information sur le décès de leur camarade leur a été donnée.

C’est presque la même version qui est sortie de la bouche de Bézouma Landri Anselme Kinda quand il a indiqué que ‘’c’est ce matin que notre délégué à l’information est venu nous donner l’information sur le décès de notre camarade, en nous disant que c’est un policier qui est à la base de cela. Il nous a demandé de marcher pour que justice soit rendue à notre camarade’’. Ces témoins ont soutenu qu’avant d’être conduits à la police, ils ont été molestés. La plupart présentaient des traces de coups. Le témoignage le plus précis est celui de Salimata Yaméogo que nous avons rencontrée autour de 15 heures et qui est dans la même classe que deux des protagonistes du drame : Justin L. Zongo et Aminata Zongo (Voir encadré). ‘’Aucun de mes policiers ne sort avec Aminata Zongo’’

En tout cas, voici le son de cloche du DR de la police sur cette fronde des élèves : ‘’Le 17 décembre, nous avions reçu la plainte d’une fille sur un différend qui l’oppose à un camarade de classe. Nous avons enregistré la plainte et convoqué le garçon, Justin Zongo, par trois fois sans qu’il ne daigne répondre. Des policiers sont allés alors le chercher, et quand il est arrivé, on a dû le bousculer pour le faire entrer dans le poste, car il refusait d’y entrer pour être interrogé. Il nous a donné les raisons qui l’ont poussé à frapper la fille et il s’est engagé à rembourser les frais des ordonnances, qu’il avait du reste commencé à verser. Mais quand il est sorti du commissariat, il est allé se plaindre auprès du procureur d’avoir été battu. Nous y avons envoyé les deux policiers qui ont été chargés de recueillir sa plainte, et l’affaire a été tranchée chez le procureur. Ce n’est que le lundi dernier que nous avons appris que l’élève est décédé.

On a appris que les élèves projetaient de marcher, car ce seraient les policiers qui seraient à l’origine de sa mort. On s’en est rendu à l’hôpital, aux urgences et on y a appris que Justin Zongo avait été interné le 12 février pour méningite. Il s’en est évadé le lendemain 13 février et est rentré chez lui. Il y a été ramené le 17 février pour la même cause, mais dans un état plus grave. Et c’est à la suite de ça que nous avons appris qu’il est mort’’.

Concernant une liaison entre un policier et Aminata Zongo, le DR de la police a juré, la main sur le cœur, qu’aucun de ses éléments ne fait la cour à la fille. ‘’Elle a prétendu avoir un parent ici, mais je n‘ai jamais vérifié si cela est vrai et qui serait ce parent’’, a ajouté le DR. Il a appelé la population au calme et invité les parents à raisonner et à calmer leurs enfants, promettant de mener des enquêtes pour éclaircir l’affaire. En entendant, il a exhorté la population à chercher chaque fois la vérité et à privilégier les voies légales de règlement des litiges.

Espérons que son appel sera entendu et qu’on œuvrera à ramener le calme à Koudougou, qui sait malheureusement et bien souvent, s’illustrer dans la démesure. Car, il est à craindre que les élèves et surtout les étudiants ne prennent mal les nombreux cas de blessures dont leurs camarades ont été l’objet, ces blessés pouvant être considérés comme des martyrs par leurs camarades. Déjà dans leurs rangs, on entendait des expressions telles que ‘’Révolution jasmin’’, ‘’La Tunisie est à Koudougou’’, ‘’Le Burkina aura son Egypte’’, ‘’Tuez-nous, on veut un martyr’’. Et il se susurre qu’aujourd’hui, la population va descendre dans la rue. Gare à la contagion et aux imitations. Du reste, quand nous tracions ces lignes, les étudiants avaient convoqué au campus une assemblée générale autour du sujet.

Les autorités régionales et communales sont aussi en alerte. Hier dans la soirée, le gouverneur, Seydou Baworo Sanou, le maire, Seydou Zagré, le procureur du Faso, Valérie Jean Prospère Silga, rejoints par le ministre de la Santé, ont organisé en urgence une rencontre avec les couches représentatives de la population, les associations des parents d’élèves, les chefs d’établissements primaires, secondaires et universitaires.

Nous y reviendrons dans nos prochaines éditions avec entre autres le bilan des dégâts, mais d’ores et déjà, au cours de cette rencontre, il a été exposé à l’assistance la cause de la mort de l’élève Justin L. Zongo, qui serait la méningite. De plus, le gouverneur, Seydou B. Sanou, a annoncé la fermeture des établissements primaires, secondaires et universitaires à partir d’aujourd’hui et ce, jusqu’à nouvel ordre. Espérons que la nuit aura contribué à calmer les esprits. Vers 18h 30, il y avait toujours des échauffourées entre des forces de l’ordre et des manifestants, visiblement pas des scolaires, ceux-là.

Cyrille Zoma/L'Observateur Paalga

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Voici la version de Salimata Yaméogo qui fréquente la même classe que Justin Zongo et Aminata Zongo :

‘’Nous étions en classe et l’histoire est venue d’une discussion entre notre professeur de Physique Chimie (PC) et la fille Aminata Zongo. Par la suite, le professeur s’est retiré de la classe. Ce qui n’a pas été du goût de Justin Zongo et il a voulu le faire savoir à la fille, qui a proféré des injures à son égard. S’en est suivie une bagarre par suite de laquelle Aminata a convoqué Justin à la police.

On a remarqué que chaque fois qu’il revenait de la police, il avait des blessures : une fois, il est venu à l’école avec la bouche enflée ; selon lui, c’était dû aux coups reçus à la police. Justin Zongo a même déposé une plainte à la Justice à ce propos. Le lundi dernier, par suite de la plainte d’Aminata Zongo, la police à fait une descente dans l’établissement pour arrêter le garçon. Il est sorti de la classe et a rejoint l’administration, où l’attendaient les policiers. Un des policiers l’a même giflé avant qu’on le conduise au commissariat.

Après ce jour, il est tombé malade et on l’a conduit à l’hôpital, où il a fait 2 jours. Le samedi 19 février, nous lui avons rendu visite et il avait du mal à reconnaître les personnes autour de lui. Il se plaignait de maux de tête et avait les deux membres inférieurs paralysés. J’ai appris son décès le dimanche vers 8h’’.

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La version du ministère des Enseignements secondaire et Supérieur

Des rumeurs faisant état du décès d’un élève suite à des sévices corporels qu’il aurait subis à la police ont entraîné des manifestations des scolaires dans la ville de Koudougou ce jour 22 février 2011.

Contrairement à ces rumeurs, l’élève du nom de ZONGO L. Justin a été admis le 10 février 2011 au CHR de Koudougou par suite de crise de méningite et de source hospitalière est décédé le 20 février 20 11 de cette maladie.

Le Gouverneur de la Région du Centre-Ouest a présenté les condoléances à la famille éplorée. Par conséquent, les élèves et étudiants sont invités à la retenue.



23/02/2011
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