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Groupe scolaire Sainte Colette de Ouagadougou : Des élèves « exclues » pour cause de grossesse

Le samedi 12 novembre dernier, le groupe scolaire SteColette de Ouagadougou était à son 7e cas d’exclusion pour cause de grossesse. Mais là, il s’agissait d’une femme mariée, ce qui aurait fait déborder le vase. Côté administration, on se refuse de parler de renvoi systématique. Nous sommes entrés en contact avec le mari de cette dernière, Grégoire Konkobo qui dit détenir la liste de l’ensemble des autres filles exclues. Ce qui est sûr, l’affaire fait grand bruit et le ministère des enseignements secondaire et supérieur s’est saisi du dossier tout comme l’action sociale. Le bureau des parents d’élèves est également mis à contribution pour désamorcer la bombe. Le dernier cas en date a eu lieu le samedi 12 novembre 2011.

 

Le mercredi 16 novembre, nous nous sommes rendus dans l’établissement sis au secteur 28 de Ouagadougou. Nous avons été reçus par le directeur-fondateur Jean-Claude Tiendrebéogo entouré des directeurs d’étude des deux sections (garçon et fille) du groupe scolaire Sainte Colette, Jean Clément Pandi et Roger Béré. Et voici leur version des faits : « La fille a eu des malaises en classe. Lorsqu’elle s’est présentée à l’infirmerie, on a voulu lui administré un produit, elle a refusé. Comme elle est déjà suivie, elle a demandé à ce qu’on ne lui fasse pas de traitement. C’est tout à fait légal (…). L’infirmier a détecté que la fille était enceinte, information que l’école n’avait pas. En principe, on doit recenser toutes celles qui sont enceintes et s’entretenir avec leurs parents pour pouvoir suivre l’enfant de commun accord. On a donc demandé à ce qu’elle parte pour revenir avec ses parents ».

 

Le mari de l’élève, Grégoire Konkobo que nous avons aussi rencontré donne plutôt une autre version : « Samedi dernier, les surveillantes sont entrées dans les classes et demander aux filles : quelles sont celles qui sont enceintes ? Si personne ne répond, elle demande de soulever les chemises pour qu’elles voient. Certaines ont accepté, d’autres ont refusé. Arrivé en 3e A4 (ndlr : classe de sa femme), la surveillante a demandé : « qui s’est fait gnasé », ce sont ces termes. Personne ne répondait. Elle a demandé à ma femme de soulever sa chemise, elle a refusé et a répondu qu’elle est une dame et qu’elle l’avait précisé dès son inscription (…). Elle a été huée dans la salle de classe, sortie sous les regards de tous, escortée à la surveillance et renvoyée le même jour ».

 

Mlle Yougbaré ou plutôt Mme Konkobo a donc appelé son mari pour lui faire savoir qu’elle vient d’être renvoyée pour cause de grossesse. Celui-ci, ayant d’abord pensé à une plaisanterie, prit tout le temps avant de rentrer à la maison vers midi. Mais que trouve-t-il ? Une femme en larmes, soutenues par quelques camarades de classe qui l’ont raccompagnée à la maison pour lui apporter du réconfort. C’est d’ailleurs celles-ci qui expliqueront en premier ce qui s’est réellement passé.

Accompagné d’un de ses petits frères, M Konkobo se rend dans l’établissement pour recueillir des témoignages, l’administration étant déjà fermée puisque nous sommes samedi.

Ayant convoqué les parents de l’élève, l’administration de l’établissement scolaire se retrouve face à son mari le lundi 14 novembre. « Lorsque je suis allé, le directeur a commencé par présenter ses excuses. Je lui ai demandé si c’est légal, il a dit que c’est légal. J’ai demandé : est-ce que vous avez intégré ça dans votre règlement intérieur, il n’a pas répondu à la question. Je lui ai dit que si c’est légal, je m’en tiens à ça, si ce n’est pas légal, on utilisera toutes les voies de recours nécessaires », précise Grégoire Konkobo.

 

Ecart de langage mais pas humiliation

« Nous avons reconnu qu’il y a eu un écart de langage de communication avec la surveillante mais il n’a jamais été cas d’humiliation d’une fille », réplique du fondateur de l’établissement lorsque nous l’avons rencontré.

Après quatre rencontres avec le mari de l’élève expulsée, le fondateur a présenté ses excuses et demandé à celui-ci de réintégrer sa femme au sein de l’établissement. Le bureau des parents d’élèves a été associé aux négociations afin de désamorcer la crise. « Nous avons la possibilité de protéger son identité », lance le directeur d’étude de la section fille Jean-Clément Pandi.

Le recensement des filles enceintes s’expliquerait par le besoin d’établir une liste pour les dispenser des épreuves d’Education Physique et sportive (EPS). Mais la plupart des filles, ne souhaitant pas que leurs parents soient informés de leur état de grossesse, préfèrent « quitter l’établissement plutôt que de venir avec leurs parents pour l’entretien », ajoute-t-il.

 

Le MESS et l’action sociale aux nouvelles

Jusqu’au mercredi soir, les négociations étaient en cours entre l’APE et l’administration du groupe scolaire Ste Colette. L’action sociale s’est aussi impliquée pour voir plus clair dans cette affaire. A notre arrivée, le fondateur et les directeurs d’études étaient entendus par la direction régionale des enseignements secondaire et supérieur du Centre. Tous étaient sur le qui-vive pour trouver une solution adéquate à cette situation. A la direction régionale du centre, le cas de mademoiselle Yougbaré a été expliqué et la situation de l’année dernière passée en revue. Les statistiques ont été mises à sa disposition pour exploitation, selon le fondateur, Jean-Claude Tiendrébéogo.

 

Le fondateur disposé à réintégrer les filles exclues

Lorsqu’ il a entendu les responsables de l’administration de cette école sur les ondes d’une radio de la place soutenir qu’il n’y a jamais eu de renvoi de fille pour cause de grossesse dans cet établissement, Grégoire Konkobo a exigé du fondateur la liste des autres exclues. C’était le mardi. M Konkobo est catégorique : sa femme est la 7e fille renvoyée pour cause de grossesse. Lorsque nous l’avons rencontré mercredi soir, il dit disposer cette liste qui lui a été remise par l’intermédiaire du secrétaire général du bureau des parents d’élèves par le fondateur. Il nous a même cité quelques noms, noms que nous ne pouvons publier ici. La plupart étaient en classe d’examen, 3e ou terminale. « Les premières filles renvoyées ont même vu leur scolarité remboursée », insiste-t-il.

 

A présent, Grégoire Konkobo ne semble plus se battre seulement pour sa femme mais aussi et surtout pour que la situation ne se répète plus. « Je suis repartie exiger à ce qu’il me remette la liste des filles exclues afin qu’on trouve une solution définitive et que même si le problème doit être résolu par l’Etat, que ce soit de façon définitive et générale ». D’ailleurs, sa femme ne veut plus entendre parler de cet établissement. « Qu’on rembourse ses frais de scolarité ou pas, je vais l’inscrire dans un autre établissement », soutient M Konkobo.

 

Lors de notre entretien avec les responsables de l’établissement, ils ont reconnu que des négociations sont en cours pour réintégrer les autres filles de l’établissement. Mais ils soutiennent que ces dernières n’avaient pas voulu faire venir leurs parents pour un entretien avec la direction de l’établissement si non il ne s’agissait pas d’exclusion systématique.

« J’aimerais interpeler le directeur de Ste Colette de ne plus dire qu’il n’y a pas eu de renvoi dans son établissement pour cause de grossesse parce qu’il y a eu des élèves renvoyées de Ste Colette de Ouagadougou. Le motif est qu’elles sont enceintes. Le samedi 12, il y a eu une surveillante qui est allée dans les classes et qui a dit aux filles de soulever les chemises pour qu’elle voie si elles sont enceintes, elle a proposé de faire des tests de grossesse. Il y a une fille qui a été huée et ses cours ont été suspendus le même jour », conclusion de Grégoire Konkobo.

 

Moussa Diallo/Lefaso.net



18/11/2011
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